Journal (1952-1962)
Je suis comme Cézanne dessinant ; ou comme Kerouac avec son idée originale de croquis en prose... Je ne peux supporter l'odeur de mes mains - encre dont l'odeur à le goût métallique de peyotl - c'est cette nausée qui me hante - je ne cesse de cligner de l'œil - j'ai la tête lourde et contractée. Ce pauvre Journal, qui semblera plus tard, insignifiant, j'aimerais y faire tenir le monde entier et ses mystères si denses et si visibles. Le grand mystère est celui de l'Être.
C'est une belle journée, les maisons semblent denses, miniatures " ouvertes sur " le ciel ... Arrière-cour de Paterson. Tout est plein d'activité - une abeille vient de tomber sur ma page (couverte de lignes régulières bleu ciel ou verdâtres). Il y a des mouches et des papillons. J'en ai vu un blanc tout à l'heure mais à part ça l'air est pur jusqu'au ciel " comme du cristal " - c'est de l'air véritable, de l'espace - l'espace est un solide...
- la seule pensée de la semaine me fait horreur, ce monde de règles, complications, violences - manque de repos - accaparement - après tout je ne fais que regarder le monde au travers d'une vitre.