Deux larmes dans un peu d'eau
À relire ainsi Anna Maria Ortese en cette période troublée, j'ai mesuré, davantage encore que la première fois, le risque auquel on s'expose à fréquenter ce genre d'écrivains, celui de voir écrit noir sur blanc ce qu'on pressentait pour l'avoir fugitivement aperçu sans bien l'identifier, retenu par quelques scories de timidité que l'avancée en âge se charge de dissoudre : pas de doute, la tâche consiste bien à se maintenir dans cette "étroitesse du rien" le temps qu'advienne un peu d'ordre, que le calme se fasse qui nous permettra d'entendre le chant des oiseaux et la plainte des enfants qui ne vivront pas, le temps de se saisir d'un filet de lumière, parfois, avant de lâcher prise.»
Mathieu Riboulet.