Desports, N° 1 :
En juin 1924, Albert Londres, après avoir décrit l’enfer des bagnes, entreprend de suivre le Tour de France et ceux qu’il appelle Les Forçats de la route. De la dénonciation au récit de ce « tour de souffrance, aucune rupture, mais l’évidente continuité du travail de journaliste. Père du reportage, Londres abolit les frontières entre sujets dignes et futiles : seule l’histoire prime. Noblesse du journalisme de terrain, grand reportage par eÎllence.
D’emblée, des liens indéfectibles unissent le sport au journalisme. Entre 1954 et 1958, Antoine Blondin avait « colonne ouverte» à L’Équipe, sa chronique singulièrement différente du reste du journal portait le titre: « La semaine buissonnière».
Des reportages à mi-chemin entre journalisme et littérature. Rigoureux dans les faits, l’écrivain s’ingéniait à décrire l’événement en lui offrant une dimension nouvelle, littéraire dirons-nous simplement.
Ainsi de ce match de football au beau milieu du Finistère, sous la pluie, opposant des amateurs à des amateurs. Exercice de style, l’écrivain transfigurait le réel. D’abord réticent à cet esprit nouveau, « buissonnier», enfantin, l’ensemble de la rédaction s’engage dans cette voie et écrit les plus belles pages de l’histoire de ce journal. Aussi, encore et toujours, une histoire de gamins, de quatre cents coups d’adultes, de rédaction buissonnière instituée en ligne éditoriale.
Des écrivains au service du jeu. Toujours à cœur l’esprit d’enfance, préparer un livre comme l’on prépare un sale coup, une surprise. « Qu’importe ma vie Je veux seulement qu’elle reste jusqu’au bout fidèle à l’enfant que je fus», écrit Georges Bernanos dans Les Grands Cimetières sous la lune. En 1960, Pier Paolo Pasolini, inconditionnel du Bologna Football Club 1909, affirmait : « Le sport est un phénomène de civilisation tellement important qu’il ne devrait être ni ignoré ni négligé par la classe dirigeante et les intellectuels.» En effet, le sport nous confronte au collectif, au social, au culturel autant qu’à l’économique et à son outrance libérale (marchandisation du corps, capitalisme roi).
La chronique buissonnière, guidée d’abord par le plaisir de raconter l’exploit, s’avère être une manière tout à fait pertinente de lire le monde – a serious game. Quand Henry Luce, éditeur du Time Magazine, fonde Sport Illustrated, il le définit ainsi : « ?Non un magazine de sport, mais le magazine des sports.??» Le magazine Desports. Nous est revenu ce vieux mot français, le « ?desport??» , qui désigne autant les jeux de l’esprit que ceux du corps : « ?Divertissement, plaisir physique et de l’esprit??» , nous renseigne le dictionnaire.
Tous les sports, donc le livre Desports. Vous irez, avec ce premier opus, carré et plat comme un livre, aux quatre coins du monde : en Belgique avec Bernard Chambaz s’amuser à réaliser l’inventaire de la petite reine belge ; à Berlin en 1936 pour lire le récit par Pierre-Louis Basse d’une amitié entre le champion noir, Jesse Owens, et le héros de l’Allemagne nazie, Luz Long ; revenir de nos jours en France