Dépressions
En dix-neuf récits, Herta Müller évoque les plaines du Banat et ses habitants. Cette région autour de la ville de Timisoara, ses villages souabes et ses dépressions constituent le microcosme que la plume de Müller dissèque avec férocité. L'univers si fermé de la petite communauté germanophone de Roumanie après la Deuxième Guerre mondiale, ses us et coutumes, sont souvent vus à travers les yeux de l'enfant. Au-delà de l'univers familial qui se trouve au centre de plusieurs récits, c'est la vie villageoise qui intéresse la nouvelliste Herta Müller, les habitudes des "petites gens", et leurs lieux de vie, la cuisine, l'école, le marché, l'église ou encore le cimetière. Derrière ces endroits et ces rituels, Müller débusque l'hypocrisie ou l'oppression, l'intolérance ou le mensonge, voire le grotesque et le ridicule. Elle fait surgir des crimes de guerre passés sous silence, traque les enfants illégitimes des générations précédentes, l'alcoolisme, l'adultère. Le grotesque affleure sous la description du bain hebdomadaire d'une famille souabe et le fantastique n'est pas loin quand la narratrice rêve de mettre le feu au village. Herta Müller a publié Dépressions en 1982 à Bucarest dans une version censurée, avant de réussir à faire passer le texte en Allemagne de l'Ouest. Le style métaphorique de Müller, ses images insolites et le rythme d'une langue très personnelle caractérisent déjà son oeuvre à venir. L'observation impitoyable de la petitesse humaine, alliée à une prose hypnotique et puissante, fait d'elle un grand écrivain, dès ce premier livre.