Mon livre surprise
Proust, Stendhal, Balzac, Flaubert, Zola
Je n'ergote en rien sur l'admiration que je porte comme tout le monde à La Recherche du Temps Perdu, si je remarque que la précision miraculeuse du souvenir, qui de partout afflue pour animer ses personnages, leur donner le rendu du détail vrai avec lequel aucune imagination ne peut rivaliser, les prive en même temps de ce tremblement d'avenir, de cette élation vers l'éventuel qui est une des cimes les plus rares de l'accomplissement romanesque. (...) Ce lâchez-tout de ballon libre, dont la sensation nous est donnée seulement de loin en loin dans nos lectures romanesques préférées, et qui est peut-être le couronnement de la fiction, parce qu'il est comme la matérialisation même de la liberté, Proust se l'interdit : son absence est le prix payé pour la puissance de réanimation que communique à son oeuvre une imagination plus que chez tout autre romancier proche de ses racines vivantes, qui sont souvenir. Toute la Recherche est résurrection, mais résurrection temporaire, scène rejouée dans les caveaux du temps, avant de s'y recoucher...