Mon livre surprise
Le pitre
le narrateur est un jeune apprenti-écrivain qui fait part à son psychanalyste de son obsession des femmes, ce qui vaut au lecteur, au long des quelque cinq cent pages que compte l'ouvrage, de fréquents morceaux de bravoure, mais aussi beaucoup de reprises dispensables et même de redites. De fait, le roman se donne pour ce qu'il est : un brillant brouillon, une ample matière textuelle délibérément foutraque. Et il ne le fait pas innocemment : la savante et désinvolte construction/déconstruction du livre invite à considérer Le Pitre tout autrement, non plus sous l'angle d'une espèce de reportage – réputé drolatique – sur la psychanalyse lacanienne, mais plutôt sous celui de la conquête patiente, difficile, désordonnée, palinodique parfois, d'une écriture. Certes, le psychanalyste – qui n'est jamais désigné que par les termes de « Grand Vizir » – présente plus d'un trait commun avec celui qui fut l'un des maîtres à penser des années soixante et septante : l'autorité, sinon l'arrogance, le goût du paradoxe et celui de l'argent, la prééminence accordée aux faits de langage, et donc l'intérêt pour la transposition des récits en textes et la manie des jeux de mots. Mais, justement, ce qui se joue dans le singulier triangle que composent le narrateur, les femmes et le psychanalyste, c'est moins le déroulement de l'analyse même, c'est moins la perspective d'une « guérison », que l'émergence du texte en train – fictivement – de se composer sous nos yeux.