Mon livre surprise
Le nu perdu
Il s’agit d’arbres symbolisant les hommes.
L’atmosphère qui règne, (nuit noueuse, nuit noire) c’est la nuit très obscure. Elle est relayée, entrecoupée par une lumière, celle de l’éclair. Et l’on remarque la prédominance de la nuit sur l’éclair dans un monde végétal.
Il y a la nudité du monde, des arbres, de l’homme et même des animaux et des oiseaux. Ce nu perdu représente non seulement l’homme mais tout un monde. Un monde nu, perdu dans une nuit noueuse, noire, ce qui implique l’obscurité absolue qui règne. L’éclair peut sauver mais il n’est que momentané, «fruit intermittent », qui n’est donc pas continu.
La constellation des symboles nous met dans l’ambiance de la nudité amoureuse, mais d’un amour interdit, incestueux.
Notre existence est ténébreuse, nous ne pouvons obtenir qu’un éclair, qu’un fruit intermittent, réglementé non seulement par les religions mais plutôt par les ténèbres de notre monde, le non-savoir. C’est donc du péché existentiel dont il est question et non pas du péché originel. Car René Char a déjà dit :
« Si nous habitons un éclair, il est le cœur de l’éternité »…
Il reste de l’éclair une entaille, une cicatrice. C’est ce signe qui constitue l’éternité, qui reste éternellement présent. Mission difficile que l’obtention d’un éclair, la constitution d’un signe, la dilacération du fruit. La crucification se trouve là, mais le Christ c’est celui qui endure, qui triomphe de la nuit, qui constitue l’éclair…
Les pêcheurs aux yeux d’une tradition ténébreuse sont ceux-là mêmes qui sont capables de porter le «rameau », de se racheter.
On remarque la richesse d’une poésie polyvalente (un court texte dans lequel le plus de significations possibles sont concentrées). Ce n’est plus la prose poétique mais la poésie libérée du vers, de la strophe et de la rime mais non du rythme. Il y a unité de sens dans le très long vers. Les sonorités : les voyelles sont sombres, fermées (nocturnes).
A cette syntaxe de la 1ère strophe fait écho la syntaxe de tout le texte. Nous remarquons que c’est à la fin que la nuit est attaquée. C’est dans les deux dernières phrases que se fait l’attaque de la nuit, alors qu’au début s’opère le triomphe de l’éclair, des rameaux… Lutte évoquée par des subordonnées, phrases complexes. C’est une nouvelle construction prosaïque. Il y a parallélisme dans la construction des deux phrases, elles se ressemblent membre par membre. Mais dans l’une c’est le règne de la propagation du fruit intermittent alors que dans l’autre c’est le règne de la mort. Une nouvelle marque de non-appartenance à la prose. C’est les mots qui se font écho pour donner une résonance poétique.