La tonalité dominante de notre époque est celle de la mélancolie, née de la disparition subite de tout ennemi déclaré. Avec l'effondrement du bloc soviétique et les progrès des droits de l'homme, la démocratie s'est imposée comme l'unique modèle politique viable. Ce triomphe ne génère pas l'euphorie, mais plonge les citoyens dans une forme d'apathie. Si la démocratie est, en effet, le seul régime possible, chacun se résigne, faute d'alternative, à en accepter les imperfections, persuadé qu'il est bien le pire des régimes, à l'eÎption de tous les autres. Or, cet état dépressif pourrait menacer la démocratie qui exige la participation citoyenne. Puisqu'on ne réveille pas les énergies par décret, il faut souhaiter non qu'adviennent des périls qui revitalisent la démocratie, mais que les citoyens prennent conscience que l'idéal des Lumières demande encore à s'accomplir par l'élargissement des droits et des libertés au profit de l'humanité entière. Il ne faut donc pas baisser la garde face à un triomphe qui n'est en réalité qu'un demi-succès. --Paul Klein