Mon livre surprise
L'intouchable
Les espions font d'eÎllents personnages de roman. Ils mentent, mènent une double vie, trouvent la réalité trop morne pour ne pas lui ajouter du piment. Victor Maskell ressemble à Anthony Blunt, spécialiste de Poussin, qui trahit l'Angleterre au profit de l'URSS. Aujourd'hui, il est bien vieux, revenu de tout. Ses anciens complices sont à Moscou. Une journaliste – mais en est-ce vraiment une ? – l'interroge pour écrire sa biographie. [...] Ce retour sur soi du personnage permet à l'auteur de tracer un portrait méticuleux de l'Angleterre : grise, pluvieuse, hypocrite. On y est. Les bombes s'écrasent autour de nous. Le gin coule à flots dans l'appartement de Poland Street. On confond rendez-vous avec des agents et rencontres subreptices dans des toilettes publiques. Banville utilise une prose souple, veloutée, sarcastique. L'intelligence éclate à chaque page. Le romanesque ne quitte pas le texte. En bon écrivain, l'auteur est entré dans le crâne d'un traître, d'un esthète, d'un velléitaire. C'est réussi à cent pour cent.