Mon livre surprise
Joseph
Comment combler l’absence ?
Une voix, une simple voix sur un magnétophone à bandes ; un chant venu des lointains souvenirs d’une famille meurtrie par la perte prématurée de Joseph. En brossant le portrait de cet homme charismatique, doux, affable et apprécié de tous, son oncle, Yun Sun Limet lui donne un deuxième souffle. Ce récit se fait l’écho d’une voix mineure, presque anonyme. Yun Sun Limet s’efface pour dépasser son histoire familiale et toucher le lecteur là où la douleur vient se nicher : le souvenir de la mort transformant une vie qui, plus jamais, ne sera la même.
Aux détours du texte, c’est un portrait en creux de la Belgique, de la Seconde Guerre mondiale aux années soixante, qui est dressé. Bien plus qu’une page d’histoire, c’est un questionnement perpétuel sur l’altérité, notre rapport au monde et notre propre passé.
« Il s’appelait Joseph. Il avait vingt ans. Je ne savais rien de lui. Je découvrais son existence à travers ce grésillement sur une bande qui passe lentement d’un essieu à l’autre, les deux roues du magnétophone faisant ce trajet immobile vers le passé, et, je l’apprenais, sans comprendre, vers la douleur. Pas un jour sans que je pense à lui, a dit plus tard mon père. Pas un jour. Qui était-il ce fantôme, cet inconnu chantant dans le noir d’un enregistrement sans image ? Je me souviens de cette voix, de ces sons qui créaient une scène, un homme chantait devant un auditoire de jeunes gens, mais je ne pouvais rien me figurer. Oui, tout cela restait noir à mes yeux. Une nuit enveloppait l’image qui se dérobait. Plus tard, on m’a dit. Je ne sais plus comment s’est fait le retour à la maison, mes grands-parents muets à l’arrière de la voiture. Ils l’avaient bien connu aussi. Ils l’avaient même connu avant ma propre mère. Déjà à l’époque, il avait fait parler de lui. La légende le précédait.