Mon livre surprise
Johnnie Coeur
Je me suis efforcé, dans Johnnie Cœur, de retrouver une certaine tradition du dialogue comique qui court à travers les âges depuis les temps antiques en passant par la Commedia dell'arte, atteint ses sommets avec Jacques le Fataliste et son maître, Don Juan et Sganarelle, Don Quichotte et Sancho Pança, s'incarne plus modestement au cirque dans Auguste et Monsieur Loyal, et s'élève au cinéma à des hauteurs nouvelles dans le merveilleux jaillissement des Marx Brothers. J'ai évidemment tenté de donner à cette tradition un contenu contemporain, de lutter par le rire, notre vieille arme, contre tout ce qui dépasse mes forces et ma raison, puisque l'indignation elle-même devient aujourd'hui dérisoire dans sa futilité. Johnnie Cœur, le personnage central de la pièce, est un mime. Il mime son propre dégoût, sa rage, son impuissance et son idéalisme désespéré. C'est un idéaliste qui se moque de son propre cœur. Je me suis efforcé d'éviter la tragédie et d'accéder au comique, qui est pour moi la seule façon de me défendre. Johnnie Cœur commence sa grève de la faim comme une escroquerie, parodiant tant d'autres escroqueries morales de notre temps, et il finit par nourrir sa dérision de sa vie même, allant jusqu'au bout de son rire, se laissant mourir de dégoût, d'amour et de haine pour l'humanité.' Romain Gary.