Mon livre surprise
Humble chant
Ainsi, sans bruit, sans éclat, entend-on le chant de ceux qui n’ont pas de voix, ou qu’on ne voudrait pas entendre, parce qu’ils naissent, vivent et meurent trop humbles pour qu’on y prête attention. Et eux-mêmes finissent par croire qu’ils ne sont rien. Que ce rien n’a rien à dire. Ainsi entendrait-on peut-être le chant de ceux qui, après être nés, après avoir vécu, restent encore trop humbles dans la mort. Et ce chant couché – sans monter vers le ciel comme font les chants ? sans se dresser comme font les humbles quand ont les écrase, et quand ils ont encore un peu de force pour se dresser ? – ce chant couché sur la terre latino-américaine, sur la terre colombienne, posé comme une brume qui ne pourrait que se défaire, se disperser dans l’air sans y laisser de trace, ce chant presque muet se fait ici entendre.