Mon livre surprise
Bifrost, n°108
Ma dernière nuit d’enfant commença par une visite. Les sœurs de T’Gatoi nous avaient attribué deux œufs stériles. Le premier, T’Gatoi le donna à ma mère, mon frère et mes sœurs ; l’autre, elle tenait à ce que je le mange en entier. Peu importait. Il y en avait assez pour que tout le monde se sente bien à la ?n. Presque tout le monde. Ma mère ne voulait pas y toucher. Elle restait assise là, à nous regarder planer et rêver sans elle. La plupart du temps, elle me regardait, moi. Couché contre le long ventre velouté de T’Gatoi, je sirotais mon œuf en me demandant pourquoi ma mère se refusait un plaisir aussi inoffensif. Elle aurait eu moins de cheveux gris si elle se l’était accordé de temps en temps. Les œufs prolongeaient la vie et la force. Mon père, qui n’avait jamais dit non à aucun, était parvenu à un âge au moins deux fois plus avancé que la normale. Et, sur le tard, quand il aurait dû se trouver ralenti, il avait épousé ma mère et lui avait fait quatre enfants…