Mon livre surprise
Avortées clandestines
La faiseuse d’anges a commencé avec des queues de persil. J’étais allongée sur la table de la cuisine, j’ai fini par faire une septicémie » raconte Maryse. Et Élisabeth : « Elle a pris très cher, plus du salaire que j’ai eu ensuite au SMIC. » Et encore Michelle : « J’étais prête à aller jusqu’au bout, jusqu’à la mort. » Anne : « Elle m’a mis un mouchoir dans la bouche pour qu’on n’entende pas mes cris. » Jeanne : « Quand je suis arrivée au sixième étage, des hommes m’attendaient, ils m’ont montré leur carte de police, ils m’ont emmenée au poste. »
Ces femmes avaient 20 ans dans les années 1960, c’était hier. Elles sont les survivantes des avortements clandestins qui tuaient une à dix femmes par jour, en France, avant la loi Veil. L’écrivaine Xavière Gauthier a écouté leurs voix bouleversées raconter par quel chemin de douleur elles sont passées et a consigné ces témoignages essentiels pour que « les jeunes générations mesurent la valeur de la légalisation de l’avortement et se mobilisent contre le retour de cette barbarie ».
Car aujourd’hui cet acquis fondamental est menacé. En France, 40 ans après la loi Veil consacrant la liberté d’avortement, des pressions insidieuses se font jour et certains élus renâclent au remboursement de l’IVG. En Europe, l’Espagne a bien failli rejoindre en 2014 les trois pays d’Europe qui interdisent plus ou moins l’avortement – l’Irlande, la Pologne et Malte – et son projet de loi serait passé s’il n’y avait eu de très nombreuses manifestations de protestation. On y a vu ressurgir ces mots qu’on pensait à jamais enfouis dans le passé : aiguilles à tricoter, faiseuses d’anges, bidons d’eau de javel, cintres, queues de persil… Des manœuvres abortives qui sévissent encore de manière catastrophique dans le monde aujourd’hui : 50 000 femmes en meurent chaque année !