Mon livre surprise
Anthologie personnelle
A dix-neuf ans, au temps de mon premier livre, jeune homme en colère à Port-au-Prince, je voyais à mon arc trois flèches capables de filer vers le même horizon, propulsées par un triple credo contestataire : la négritude-debout, le brûlot surréaliste, l'idée de révolution. A mes yeux, la rosée que le poète gouverne servirait aussi, dans les mots et les métaphores, à porter la fraîcheur, le merveilleux et la beauté dans la sphère privée comme dans les affaires de la cité. (…) En "poète noir" de la Caraïbe qui "y a cru", et, durant un exil sans fin, y a engagé son corps et son âme, je ressens profondément ma part de culpabilité et de responsabilité dans la tragédie du mouvement communiste international. (…) Cette anthologie personnelle est donc la petite maison dans les bois où j'ai regroupé par thèmes récurrents les pénates et les larres convalescents qui me laissent peut-être la possibilité de poursuivre dans la voie royale de la poésie. RENE DEPESTRE (Extrait de la préface) Depestre est un vrai poète, ou, pour le dire à la manière antillaise, un vrai maître du merveilleux : il a réussi à inscrire sur la carte existentielle de l'homme ce qui jusqu'alors n'y était pas inscrit : les limites quasi inaccessibles de l'érotisme heureux et naïf, les limites quasi impossibles de la sexualité aussi débridée que paradisiaque… Avec étonnement et tendresse, j'imagine aujourd'hui ce poète noir, la tête bourrée de folles fantaisies érotiques, traversant le désert communiste où régnait alors un puritanisme invraisemblable et où la moindre liberté érotique était terriblement payée. MILAN KUNDERA (L'Infini n° 34)