« Dès qu'il s'agit de l'homme, de son évolution et de sa parenté avec le singe, nous retrouvons les lunettes d'Aristote. Nous voulons bien admettre, après d'inlassables remises en cause, que Darwin avait raison, mais en conservant un certain modèle de l'hominisation. Au singe à quatre pattes aurait Succédé une longue procession d'espèces qui se seraient redressées progressivement, et ce, sans qu'aucune tête ne dépasse jamais celle du représentant le plus évolué de cette lignée prestigieuse : l'homme moderne, c'est-à-dire nous. Ainsi, on accepte l'évolution à condition que son but ultime soit l'homme. Or rien ne nous dit que l'évolution ait un but. Tout nous montrerait plutôt le contraire. Mais les idées reçues ont la vie dure. A l'aube du IIIème millénaire, et après un siècle et demi de paléontologie active, nous voulons toujours croire que "l'homme descend du singe", ne serait-ce que pour le distinguer une bonne fois pour toutes de cet ancêtre décidément honteux. Et si nous ne descendions pas du singe mais de l'arbre ? »

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Pascal Picq est paléoanthropologue, maître de Conférences au Collège de France. Il a publié, entre autres, Cro-Magnon et nous (Mango, 2000), Les Origines de l'homme : l'odyssée de l'espèce (Tüllandier 2002), et a dirigé avec Yves Coppens, chez Fayard, Aux origines de l'humanité.

Laurent Lemire est journaliste. Il collabore au Nouvel Observateur et au magazine « Campus » sur France 2. Il a notamment publié une biographie de Marie Curie (Perrin, 2001).