Strangulation
Jean regardait s'effectuer les départs, l'appareillage des chalutiers, des cargos, des paquebots dont il suivait la course jusqu'à leur disparition dans l'anse, aux confins des quais, en direction du nord-ouest et de l'estuaire. Il se doutait d'un temps plus intense, qui s'ouvrait au-delà des passes. La répétition des exils aperçus lui désigna bientôt la carence de sa position ; il lui sembla que son adolescence ne faisait que poursuivre, en d'autres refuges, les restrictions protégées de son enfance. Par contraste et à contre-jour, il enviait le sort des marins qui allaient, eux, se frotter aux vents incertains, qui savaient se défaire froidement des attaches, qui embarquaient vers des contrées audacieuses et laissaient la Gironde derrière eux retomber dans sa léthargie confuse. Jamais il ne s'embarqua.»
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