Romans de mort et d'aventures
Prophète de la critique littéraire au siècle dernier, Sainte-Beuve reconnaît en 1840 « à Eugène Sue l'honneur d'avoir risqué le premier roman français en plein Océan, d'avoir le premier comme découvert notre Méditerranée en littérature ! ». A l'aube de sa carrière, le futur auteur des Mystères de Paris ne s'attendait pas à être reconnu par la postérité comme le roi de ce que Sainte-Beuve appellera bientôt avec dédain la « littérature industrielle ». Ayant parcouru les mers comme chirurgien de la marine, Sue évoque tout naturellement le sud de l'Espagne, l'Inde, les Antilles, l'océan Indien, les vaisseaux, les mutineries, les naufrages, les esclaves devenus plus féroces que les maîtres dont ils se sont libérés. Kernok le Pirate, El Gitano, Atar-Gull, La Salamandre, La Vigie de Koat-Vën, Le Morne-au-diable révèlent, de 1830 à 1842, un Fenimore Cooper français. Sans l'accident déterminant que constitue Les Mystères de Paris, Sue aurait accompli une carrière digne de celle de l'auteur du Corsaire rouge et du Dernier des Mohicans. Il avait tout pour cela : « une action triste et sombre, semée de scènes du comique le plus vrai et de descriptions éblouissantes, un style chaleureux, des idées neuves, et surtout la singulière faculté de colorer tout de poésie ». telles sont les qualités que lui reconnaît Balzac dans son compte-rendu de La Salamandre.