Ne dis pas la nuit
Ce roman virtuose fait alterner trois points de vue : celui de Théo, la soixantaine, ancienne gloire militaire et urbaniste brillant ayant tourné le dos aux vanités du monde pour " hiberner " dans une mutique introspection : celui de sa dynamique compagne Noa, 45 ans, professeur de littérature, âme charitable en quête d'une noble cause à laquelle dévouer sa sentimentalité eÎssive ; celui enfin du narrateur, chroniqueur anonyme cédant parfois la parole au " choeur " des habitants de Tel-Kedar - petite localité imaginaire confinée dans le désert du Néguev. Ces trois voix se succèdent, divergent ou se confortent, composant le puzzle d'une même histoire. Un des élèves de Noa, Emmanuel, meurt brutalement d'une overdose. Le père du défunt, Avraham Orvietto, conseiller militaire au Nigéria, propose de financer la création d'un centre de désintoxication pour drogués, auquel tout le monde s'oppose. Il en confie la responsabilité à Noa, qui se lance aveuglément dans cette cause perdue pour étouffer sa culpabilité de n'avoir pas entendu les appels au secours de l'adolescent. Et voici que ce projet insensé, dont nul ne souhaite vraiment l'aboutissement, réveille les blessures secrètes du couple que forment depuis huit ans Théo et Noa - miné par la différence d'âge, l'absence d'enfants, la lassitude - tout en révélant les tensions de la communauté incestueuse de Tel-Kedar, peuplée d'une myriade de personnages pittoresques, eÎssifs, attachants. Amos Oz, prix Fémina étranger 1988 pour son roman La Boîte noire, est né à Jérusalem en 1939. Ses livres sont traduits dans plus de quinze langues. Calmann-Lévy publie son oeuvre en France depuis vingt-cinq ans et vient de mettre à la disposition des lecteurs français, sous le titre Les Deux Morts de ma grand-mère, un recueil de ses textes autobiographiques inédits à propos duquel Jorge Semprun écrit : " Il faut le lire sans tarder. Pas seulement pour connaître l'un des intellectuels les plus actifs du mouvement ô La Paix maintenant ö, pour découvrir aussi la subtilité, la sensibilité, l'humour, la détermination d'un des plus grands écrivains israéliens actuels. " Traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen.