Les têtes : Portraits
Que voit-on d'un homme en premier, sinon sa tête ? Des cavernes primitives à l'atelier des physionomistes, du dessin à la sculpture, il y a une représentation de la tête. J'ai beau fouiller, c'est les têtes autres que je fouille à la recherche peut-être de quoi fut la mienne il y a quarante mille ans penchée, acharnée, obstinée sur une pierre, un os, une tête d'os à aiguiser ou à polir. Ce sont donc ici, non des portraits, mais des reliefs, des visages rabotés et gothiques que Jacques Chessex nous donne à toucher. Regroupons-les par catégories : Il y a les célèbres, français, suisses, et d'ailleurs. Voici un François Nourissier en jeune chien cruel, un Robbe-Grillet en tête à fraise au lieu de l'écharpe de laine rouge, un hibou Jean Paulhan, Yves Berger légat de César en Gaulle Narbonnaise, Henry Miller à tête de loup, la tête sarrasine de Maurice Chappaz, la laideur impressionnante de James Baldwin. Il y a - et ce sont parfois les visages les plus fouillés, recuits dans la mémoire de l'auteur - les têtes anonymes, sorties de la nuit du passé ou du plein jour. La tête ruminante et ridée de Marie Blanc, qui dit toujours non. La tête de rongeur de La Gerboise, ce séducteur oriental qui furète sur le quai d'Ouchy à la recherche des filles. Enfin, la tête mystique, qui appelle la couronne d'épines, et dont les yeux sont eÊvés par l'affreux regret d'être homme, ces visages de faux Christ qui jouent sincèrement à l'extase.
--Ce texte fait référence à l'édition
Broché
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