Le Japon de Nicolas Bouvier
Des étudiants à la gare de Yokohama, un "aveugle atomisé" qui mendie, les enseignes lumineuses d'une ruelle, les bains publics dans un quartier de Tokyo, un vendeur de parapluies, un lecteur de journal assis sur les marches d'un escalier, une paysanne sur le seuil de sa chaumière, des épouvantails, des musiciens et des mimes… Les images de Nicolas Bouvier au Japon donnent l'impression d'une intime communion avec le sujet."Je suis devenu photographe par désespoir, et portraitiste par accident", déclarait le globe-trotter de la littérature. Le Japon de Nicolas Bouvier en témoigne, à coups de pleines pages d'images en noir et blanc, saisies entre 1956 et 1970, à l'occasion de différents séjours. Ce sont d'abord des plans généraux, de grands formats concentrés sur un Japon urbain d'avant l'explosion économique, où se bousculent des employeurs à la petite semaine, la déambulation tranquille d'individus dans le paysage. Puis l'objectif s'est rapproché ; et Nicolas Bouvier de s'abandonner aux portraits. Des commerçants de quartiers, des "têtes, lavées, rasées, étuvées", des fillettes, des vieillards "aussi ridés que des tortues", des artistes, et même des poupées, des marionnettes. Des clichés qui rendent compte de la fascination d'un homme pour les "visages naturels" de l'Asie, et qui s'accompagnent des textes de l'auteur, remarquables carnets de bord des jours éprouvés au Japon, intimes et descriptifs, d'un marché de village à l'exposition universelle d'Osaka en 1970. Une mine d'or pour les inconditionnels de Bouvier, un document formidablement humain pour tous. --Céline Darner