Le Champ dans la mer
Mon père et moi, l'un après l'autre, sommes morts dans le jardin de V La circonstance de notre fin reste une énigme. Mais ce n'est rien. Tout ne peut pas se savoir. Tout s'oublie. Mon mari A., qui est pourtant un archéologue, ne voudra rien croire de tout cela. Et puis je reviens. Peut-être pas au même endroit. Je suis et ne suis pas tout à fait. Ce n'est pas grave non plus. Je n'ai qu'à faire un peu attention quand je dors. Dans le sommeil seulement, parfois je redeviens squelette. La maîtresse d'école affirmait que le temps est un mince courant qui s'écoule en sens unique. Voilà la cause de mon désarroi. Je suis devant la mer où tant de courants se confondent. Pour peu que je me concentre ou qu'on me frappe à la tête, la mer devient un champ, et du champ au jardin de V., il n'existe qu'un pas, qu'un instant... » Y.C.