Immobile
Elle vit ici et maintenant avec son mari A., l'archéologue, mais elle dit venir d'ailleurs, d'un autre temps. Elle prétend qu'elle n'a pas toujours porté ces jupes courtes, vécu en femme moderne, dans une société dont les lois lui sont étrangères. Elle répète qu'elle a, bien des siècles plus tôt, été chanteuse d'opéra avant d'être élue par un prince qui l'a conduite en son palais, épousée, et dotée d'un esclave dont elle s'est éprise... Face au scepticisme puis à l'irritation de l'archéologue, la jeune femme s'efforce de s'en tenir à son rôle d'épouse modèle, alors que ne cesse de la hanter la mémoire d'un destin antérieur dont elle devra décider s'il doit compromettre à jamais l'existence présente. Dans la lignée de son précédent roman, L'ingratitude (Actes Sud, 1995), Ying Chen enracine ce nouveau livre dans la question des rapports affectifs conçus sous le signe de la domination et de la dépendance. D'époque en époque et d'existence en existence, se poursuit en vain la quête de l'impossible bonheur. Récit d'une double vie ou célébration des vies antérieures, Immobile veut mettre l'écriture à l'épreuve de la question du temps dont il s'agit ici de déplacer les bornes. A travers la symbolique de la réincarnation, Ying Chen désigne en effet sur le mode d'une fiction ambitieuse le caractère répétitif de l'histoire, l'immuabilité de la nature humaine pour mieux dénoncer les illusions de la modernité récusée comme ultime fantasme.