La chute de Troie
Sous la férule du maître d’œuvre Obermann, tous les jours on déterre une bribe d’un passé méconnu sur le chantier de fouilles d’Hissarlik, en Turquie, à la fin du XIXe siècle. Personnage trouble et pourtant doué d’une incroyable intuition archéologique, Obermann est convaincu qu’il est en train de déblayer les ruines de Troie. Mu par une imagination conquérante et communicative, et malgré le scepticisme de ses pairs, il imposera sa vision, reconstruisant mentalement la cité, à sa manière, au fur et à mesure qu’il fouille le site, dans un cadre dont Ackroyd eÎlle à traduire toute l’aride splendeur. Parallèlement, l’épouse d’Obermann, Sophia, nouvelle Hélène, découvre peu à peu les pans cachés du passé de son époux. Viendra le moment où chacun sera confronté à ce qu’il ne veut pas voir. Alors, les images et les idoles tomberont. Ackroyd entraîne le lecteur dans des limbes où flottent, sans réelle frontière entre les deux, vérité historique et reconstruction fictive du passé. Face à la rudesse des éléments, de la figure tyrannique d’Obermann ou de la confrontation avec soi-même, notre équipe d’archéologues ne ressortira pas indemne de Troie, qui entraînera certains dans sa chute, tandis que les autres, tel Énée, devront fuir la cité maudite. Ackroyd s’inspire ici de la figure historique de l’archéologue et aventurier allemand Schliemann. Mais le très londonien romancier a une raison majeure pour s’aventurer loin de sa cité de prédilection : la légende veut que Londres ait été fondé par Énée. Troie est « toute ville qui a été et sera jamais », c’est la cité mère du monde occidental – le seul que Schliemann/Obermann veuille reconnaître. Or, certaines de ses propres découvertes prouvent que Troie n’est pas celle qu’il croit : sa cité « homérique » pourrait avoir été tout autre, habitée par des Troyens très différents des héros grecs qu’il imagine. C’est là que réside la vraie chute de Troie, la chute du piédestal de son passé frauduleux. Tout comme Obermann, aux yeux de Sophia, tombera du sien...