La Lune dans son envol
Sujets à l’erreur, enclins à s’y précipiter, indifféremment manipulés ou manipulateurs, les protagonistes des nouvelles de La Lune dans son envol évoluent, de leur vivant, dans une Amérique en forme de purgatoire où ni l’amour ni l’innocence n’ont plus guère droit de cité. Aux prises avec leurs motivations perverses ou leurs nostalgies mortifères, aliénés par des clichés qu’ils entretiennent avec une redoutable insouciance, tous semblent se mouvoir sur la scène d’un théâtre de la dérision dont les passions humaines dessinent les contours.
Qu’il choisisse de rire des absurdes agissements de ses semblables prétendument fictifs, de s’attrister de leurs malheurs ou de condamner leurs errances, le lecteur est invité à accepter la règle d’un faux jeu de massacre dont l’apparente cruauté n’est que le masque que revêt l’immense compassion de Sorrentino vis-à-vis d’une humanité aussi faillible et risible qu’elle est bouleversante.
Volontairement dénuées de tout sentimentalisme et pétries d’un humour féroce qui convoque le jeu de mots, le calembour, le démon des listes et l’autocommentaire permanent de l’écrivain sur son texte et ses personnages, les nouvelles de Gilbert Sorrentino ici rassemblées, éla borées sur quelque trente-cinq années, ont radicalement métamorphosé le paysage de la fi ction américaine.