L'étincelle de vie
Le camp de Mellen est un camp de concentration "moyen". L'horreur elle-même y est mesurée, et le commandant Neubauer qui se plaît à répéter que son camp est l'un des plus humains de toute l'Allemagne est relativement dans le vrai. On sait d'ailleurs que les derniers mois de la guerre ont été marqués par un certain relâchement de la terreur des camps. Les tortionnaires fatigués, ou décimés par les envois massifs sur le front, se contentaient de méthodes plus expéditives que la torture. C'est la "faim" impersonnelle et toute-puissante qui tient la première place au camp de Mellen.
Erich-Maria Remarque n'est ni philosophe ni théoricien. Son livre se déroule tout entier sur le plan des faits les plus concrets. Néanmoins son titre même annonce la grande leçon, celle de la "précarité" de la valeur humaine. L'esprit, fait-il dire à son héros principal, n'est pas une lumière intangible dégagée des nécessités matérielles. N'importe qui peut en venir à bout, s'il en a le temps et l'occasion. L'humanité est sans cesse menacée, la possibilité pour elle de disparaître est toujours ouverte. Il faut la sauver et la reconquérir à chaque instant...
Et c'est sans doute le thème le plus tragique de ce livre que cette étincelle spirituelle toujours sur le point de s'éteindre à jamais, mourante et renaissante à chaque instant, protégée peureusement par des hommes traqués, sans cesse obligés de ruser pour rester des hommes.