Dernières nouvelles du crime - Bouquins
Un jeune homme demanda à un père la main de sa fille et la reçut, la main gauche, dans une boîte. " Ainsi commence, par une phrase torpille, une nouvelle de Patricia Highsmith. Parce qu'elle a croqué de féroces caricatures féminines dans son recueil Toutes à tuer, certains lui reprocheront de témoigner une sévérité particulière à l'égard de son propre sexe. La galerie des monstres masculins qui rôdent partout devrait nous rassurer sur l'équité avec laquelle sa plume distribue les coups. Mais leur surcroît de vitalité vaut à ces dames une place de faveur. Au bout de trois pages, elle les descend, comme des pipes à la foire, jetant dans le même sac vierges sages et vierges folles. Peut-on au moins se fier aux animaux pour retrouver un peu de fraîcheur et d'innocence ? Allons donc ! ils n'ont de leçon de férocité à recevoir de personne. Il en va des enfants comme des animaux. Eux aussi encaissent sans broncher humiliations et offenses jusqu'au jour où... Quand et comment Patricia Highsmith a-t-elle entamé sa longue liaison avec la peur ? Elle nous restitue l'ivresse de claquer des dents sous les draps comme au temps des sorcières et des loups-garous, en nous répétant : " Ce n'est pas vrai ", en nous pinçant pour ne pas y croire. Mais à présent, avec elle, le doute subsiste, l'angoisse se prolonge et le lecteur hésite à éteindre sa lampe de crainte de retourner en songe au jardin des disparus.