Dans les ténèbres (précédé de) Léon Bloy devant les canons
Écrit entre juillet et octobre 1917, paru posthume en juillet 1918, Dans les ténèbres est, au sens fort, premier, du mot, une œuvre «terrible»: un chant où la terreur et la désolation s’offrent en basse continue; mais une terreur au loin qui, accrue d’une soumission sans faille aux divins décrets, se pare d’une sérénité sombre, témoigne d’une résignation hantée. Non l’ultime coup de griffe d’un vieux lion d’arène lassé de dilacérer la chair fade de ses ennemis, non le chant du cygne d’un zélote désenchanté ou d’un pieux croisé ayant nostalgiquement remisé son glaive au magasin des souvenirs, d’un vieux sonneur de tocsin aux paumes sciées par la corde, mais le vibrant testament d’un prophète, certes las de labourer le désert, mais qui sent venir, avide, l’ultime secousse. La lame qui va tout emporter, le tremblement dernier. Bloy nous offre là une fusion de tous ses cris, le faisceau de tous ses combats, l’entier creuset de toutes ses colères.