Central Park
On le sait, il se passe toujours quelque chose à New York. Et ce n’est pas Johan Crevette qui prétendra le contraire. Tout a commencé dans le taxi, avec ce chauffeur qui prétendait s’appeler Abraham Lincoln. Et ça a continué à Central Park, du côté du zoo. A peine arrivé dans la Grosse Pomme avec sa copine, Yasmina Polaire, Johan a décidé de faire un tour dans le parc. D’abord, ils ont croisé un clochard baptisé Snake, un type jovial prétendant que Central Park n’était rien d’autre que le paradis terrestre. Ensuite, ils sont allés voir nager les ours. Et là, il s’est passé quelque chose d’incroyable : l’un d’eux s’est mis à entamer la conversation, comme ça, l’air de rien. « Salut ! Moi, c’est Norman », qu’il leur a dit. Johan, ça ne l’a pas trop perturbé. Un ours qui parle, il trouvait ça rigolo. N’empêche, il aurait dû se méfier. Parce qu’après, tout s’est emballé. Et c’est là que l’histoire – pour le plus grand plaisir du lecteur, d’ailleurs – s’est mise à déraper sec. D’abord, Johan a perdu Yasmina. Ensuite, il s’est découvert prisonnier de Central Park, incapable de trouver le chemin de la sortie. Et là, sans trop comprendre comment ni pourquoi, il s’est retrouvé avec une paire de rollers aux pieds, est devenu copain avec Snake le clochard et s’est aperçu que l’ours Norman s’était tiré du zoo avec Yasmina au bras. Et le pire, c’est qu’à chaque fois qu’il tentait de sortir du Parc, il se heurtait à un mur gigantesque qui n’en finissait pas de grandir, de grandir… Central Park est un bel album. Une sorte de fantaisie doublée d’un conte urbain. Une métaphore sur l’existence, l’enfermement, les illusions de l’amour et la tentative des humains pour échapper à leur condition en tâchant de renaître à une autre vie et de tout redémarrer de zéro. Le trait de Christian Durieux et ses couleurs tendres conviennent à merveille au récit. Il flotte dans l’air comme une douceur insidieuse, de plus en plus incongrue au fur et à mesure que l’histoire dérape et bascule dans une sorte de fantastique quotidien. Les personnages de Yohan et de Snake sont touchants, et l’histoire de la vie de Snake est un conte merveilleux et tragique à la fois. Le genre de destin qui donne envie au lecteur d’entrer dans l’album pour donner un coup de pouce à ce personnage et faire en sorte qu’il retrouve le chemin de sa vraie vie. Bref, Central Park est un pur bonheur. Et montre qu’il n’est pas besoin de s’envoler pour de vrai en direction du bout du monde pour se laisser aller aux plaisirs du voyage intérieur.