Allais... grement : Choix de 82 contes et poèmes
Recueils de textes.
choix de 82 contes et poèmes.
Lorsque le 20 octobre 1854, Charles-Auguste Allais, pharmacien à Honfleur, déclare la naissance de son fils Charles-Alphonse, il pense moins au renom de l’humour français qu’à la succession de son officine et pourtant, comme pour le contredire, son héritier manifeste au cours des ans plus de goût pour la farce que pour la fabrication des pilules.
Durant ses stages parisiens, Alphonse Allais abandonne définitivement les potions pour militer au Quartier latin parmi les groupes des « Hydropathes », des « Fumistes » ou autres « Hirsutes », préparant son entrée à Montmartre au cabaret du Chat noir. En 1882, il collabore à un hebdomadaire du même nom et en devient le rédacteur en chef, donnant également une chronique régulière : « La vie drôle » au Journal (1892), qui l’envoie en reportage aux États-Unis. Plus tard, il dirige « Le Sourire » (1899), écrivant chaque semaine un conte et ce rythme il le maintient bien malgré lui jusqu’à sa mort, le 28 octobre 1905. Il a alors 51 ans.
Près d’un millier de contessont ainsi écrits au jour le jour pour la presse.
Certains sont, de son vivant, publiés en recueils aujourd’hui introuvables. Ce sont ses oeuvres « anthumes ». Parmi une vingtaine de volumes, citons : À se tordre (1891) : 8 000 exemplaires. Vive la Vie (1892). Pas de bile (1893). Le Parapluie de l’Escouade (1893). Rose et Vert Pomme (1894). Silverie ou les fonds hollandais, un acte en collaboration avec Tristan Bernard (1895). On n’est pas des Boeufs (1896). Deux et Deux font Cinq (1896). L’Affaire Blaireau (1899), roman adapté deux fois au cinéma. Le Captain Cap (1902).
Ses oeuvres « posthumes » : une quinzaine de recueils publiés depuis 1912 regroupent les contes dispersés et redécouverts chaque jour par les fanatiques dans la presse de l’époque. Parmi ceux-ci : Les Templiers, préfacé par André Frédérique (1947). La Vie drôle, préfacé par Sacha Guitry (1947). Autour du Chat noir, préfacé par Ralph Messac (1955). Avec le Sourire, préfacé par Anatole Jakovsky (1955). À l’Oeil, préfacé par Maurice Donnay (1921).
Pour Sacha Guitry et Jules Renard, Alphonse Allais ressemblait à un Anglais mélancolique, pour d’autres à un fier Viking. Ses facéties, ses canulars, ses équipées avec Alfred Capron (le Captain Cap) auraient pu être le fait d’un joyeux drille, mais pour tous c’était un taciturne : un clown triste émergeant du silence pour lancer une boutade, une anecdote, un mot… qui serviront sa légende.
Avec Charles Cros, le poète-inventeur, il s’intéressa à la recherche scientifique. Mais c’est à l’invention humoristique qu’Alphonse Allais doit sa célébrité. Aucune ressemblance avec Mark Twain et O’Henry formés aussi par le journalisme. Allais utilise sa science du calembour, son don poétique, son imagination infatigable, son penchant pour l’absurde afin de composer des contes qui sont autant de monologues, source inépuisable de sujets pour faire rire où viennent s’abreuver aujourd’hui clandestinement les professionnels de la gaieté.
Oublié pendant quarante ans, les surréalistes reconnurent en cet adepte de l’humour noir et illogique un des leurs et André Breton l’accueillit dans son Anthologie (1940). Ainsi, négligé par ses contemporains, escamoté par les spécialistes des Histoires de Littérature, Allais revient aujourd’hui pour le plaisir du plus grand nombre avec ce choix très varié, non pas comme le représentant du rire d’une époque, mais bien comme le symbole de l’humour français -justifiant le titre que Jean Cocteau lui souhaitait de « Prince des conteurs ».
Claude Soalhat