Mon livre surprise
Terminus mon ange
...je commençais à sentir un peu mieux ce qui empesait sa personne. Mais c'était difficile à expliquer. Un peu comme quand on tripote un marron ramassé sur un sol d’automne, qu’on le roule dans le creux de la main avec le bout de ses doigts et qu'on sent bien qu'il n'est pas seulement dur et lisse à la surface, mais aussi – et surtout, sans doute – que c'est une chose vivante. On sent qu'il y a quelque chose, dedans, qui ne demande qu'à vivre. Je veux dire qu’on sent bien toucher là assez précisément le contraire d'une chose.
On sent tout ça, quand on roule un marron entre ses doigts, mais expliquer pourquoi, c'est pas facile, même si ce n’est que pour soi-même.
Sentir, juste, ça suffit pour connaître. Et c’est peut-être la seule façon de connaître vraiment. Mais ça aussi, pour l’expliquer – l’expliquer à quelqu’un d’autre je veux dire, cette fois –, on peut toujours se lever de bonne heure.»
Un homme monte dans le compartiment d’un train. Là, une femme, seule. Pour unique bagage, il a “son ange”, un revolver Smith & Wesson modèle 19 au canon de trois pouces, coincé dans la ceinture.
Lilian Bathelot, tout en digressions et chemins de traverses, nous parle bien sûr d’amour, mais aussi de l’enfance, des accidents de parcours d’une vie, de Nick Tosches, des réactions prévisibles ou non des transporteurs de fonds, de la matière du silence, de l’Homme qui tua Liberty Valance, de la façon dont on doit poser les livres ouverts pour ménager la reliure...Inclassable coup de coeur, ce texte de Lilian Bathelot nous a beaucoup touché par son épure, sa profondeur, et sa justesse.