Mon livre surprise
La Tribu
La « Tribu », c’est la famille d’Olivier Rohan, jeune médecin de la région parisienne. Ce sont ses condisciples de l’internat. La Tribu règne sur le territoire de l’hôpital, avec ses usages et ses codes, et comme toute famille, elle est envahissante ; il est difficile de couper le cordon ombilical. Pourtant, Rohan a essayé, il a ouvert un cabinet de médecine générale où, malheureusement, les clients ne se bousculent pas. Alors pour boucler ses fins de mois, il assure des gardes à l’hôpital, retrouvant ainsi l’ambiance fiévreuse des nuits aux urgences, prolongeant l’époque mythique de sa jeunesse aux côtés des « anciens », ceux qui, comme lui, n’ont pas voulu dire adieu à leur vie étudiante bercée d’illusions romantiques pour sauter à pieds joints dans le réalisme routinier de la médecine libérale. Un jour, la vie d’Olivier Rohan bascule lorsqu’un confrère généraliste, le docteur Bettoun, lui propose de le remplacer pour une garde de nuit. C’est ainsi qu’Olivier est appelé dans un manoir des environs, au chevet d’un garçon de quatorze ans qui a été victime d’un malaise sans gravité apparente. Le jeune médecin recommande l’hospitalisation pour observation, or contre toute attente, son conseil ne sera pas suivi. Mais quelques heures plus tard, l’adolescent est admis aux urgences de l’hôpital pour arrêt cardiaque. Il décédera d’un infarctus dans des circonstances inexplicables pour l’équipe médicale. Cette mort troublante ne cesse de hanter Olivier qui se persuade qu’il aurait pu sauver le garçon. Aidé de son externe Etienne Desarthe, il va chercher à en savoir plus et découvrira, derrière la mort de cet enfant, des adultes corrompus aux motivations inquiétantes. A travers cette quête médico-policière, c’est une quête humaine qui se joue pour Olivier Rohan, entraîné malgré lui dans une spirale mortifère, loin de l’idéalisme et de l’insouciance.
Ce livre avait été publié pour la première fois il y a un peu plus de dix ans. On reste frappé par sa force et son intensité, totalement intactes. On ne peut qu’être étonné par la maturité de ce roman noir où la part d’intimité et d’autobiographie ne vient jamais parasiter le contenu romanesque, mais au contraire le nourrir. Échappant à tous les pièges du thriller médical ou de la romance en blouse blanche, Christian Lehmann réussit à évoquer sans pathos l’univers d’une profession où l’enjeu quotidien est la confrontation avec la souffrance et la mort. Il détaille ce milieu qu’il connaît de l’intérieur avec lucidité, mais aussi avec une forme d’empathie qui rend vivants chacun des personnages - qu’ils soient attachants ou haïssables. Moderne, rythmé, ménageant le suspense jusqu’au bout et, par ailleurs profondément humain, La Tribu, comme tous les livres de Christian Lehmann, se lit d’une traite et ne s’oublie pas.