Voyage avec Charley
Nostalgie et désenchantement : telle est la tonalité de ce voyage à travers l'Amérique que Steinbeck entreprend en 1960 (deux ans avant de recevoir le prix Nobel de littérature), au volant de son mobil-home, avec pour seul compagnon son chien Charley - « vieux gentleman français né à Bercy ». De cette aventure, il va tirer son dernier grand livre. Pennsylvanie, forêts du Maine, interminables plaines du Middle West, hautes terres du Montana, côte Pacifique, déserts du Sud, Texas, Nouvelle-Orléans et retour : onze semaines de randonnées hasardeuses, de rencontres, de surprises (bonnes et mauvaises) - mais surtout de regrets. Car le récit qu'il nous en fait, malgré sa verve, sonne comme un chant d'adieu. Il a aimé ce pays, il ne le comprend plus. Il ne récrimine pas - à quoi bon? Mais il fait partie de ces âmes sensibles qui ne peuvent s'empêcher de tâter à tout propos le pouls de l'Histoire. Son diagnostic n'est pas encourageant, mais il nous intéresse au premier chef, nous qui venons après lui. Car le monde qu'il aperçoit à travers les apparences qui s'offrent à chaque tournant du chemin est bien le nôtre. Et à relire son livre avec ces trente-cinq années de recul, on ne peut que se retrouver à l'unisson de son désarroi. Et se dire que le « plouc » de Saunas, décidément, n'avait pas les yeux dans sa poche.