Une constellation, tout près

Philippe Jaccottet

Une constellation, tout près
419 pages
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Popularité du livre : faible
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Avec "Une constellation", tout près, un très bel ouvrage paru récemment aux éditions de La Dogana, Philippe Jaccottet nous fait un don: celui d'offrir en partage des poèmes qui l'ont touché ou retenu au cours de son existence et auxquels, aujourd'hui encore, à bientôt 78 ans, il demeure attaché, sensible. "Pour moi, je n'ai voulu recueillir ici que les poèmes français de ce siècle qui, à des degrés divers et pour des raisons diverses, m'ont été à quelques occasions des moments de plaisir, d'émotion, d'admiration: et dont le rayonnement durait encore à mes yeux, fût-il, dans certains cas, un peu affaibli et, dans d'autres, avivé, avec le temps", confie-t-il au seuil de cette anthologie toute personnelle et subjective. Riche et précieuse. C'est à la faveur d'une longue période pendant laquelle l'inspiration lui a fait défaut, au printemps 2000, que Jaccottet s'est détourné de la table d'écriture pour s'atteler à cette vaste entreprise de relecture et de sélection, ne gardant, au bout du compte, que "ce qui luit, brûle, rayonne encore dans [sa] main ouverte" de lecteur attentif, exigeant et clairvoyant.

Des poètes qui voisinent dans les rayons de sa bibliothèque, il en a retenu quarante-huit. Tous disparus aujourd'hui, ceux-ci ont en commun d'avoir écrit en français et d'avoir vu publier leur oeuvre au XXe siècle. La constellation sonore qu'ensemble et chacun, individuellement, ils forment s'ouvre par des poèmes intimistes, adresses à une femme aimée et à ses sortilèges, de Paul-Jean Toulet (1867-1920); elle se referme sur une série de poèmes poignants de Bernard Simeone, mort en 2001 à l'âge de 44 ans:

ICI, protégé, pour combien

de temps, par la neige

quelqu'un lira, ne lira pas

que tu t'es noyée

une fois de plus (p. 398)

Le ciel poétique de Jaccottet, volontairement circonscrit ici au seul siècle passé et au seul territoire francophone, brille à la fois de noms connus de la poésie française et d'autres qui le sont moins (Guillaume Apollinaire, Paul Claudel, Paul Eluard, René Char, Saint-John Perse, Pierre-Albert Jourdan Jacques Audiberti Armen Lubin, pour n'en citer que quelques-uns). Mais aussi de ceux d'auteurs Romands: Charles-Ferdinand Ramuz, Blaise Cendrars, Pierre-Louis Matthey, Edmond-Henri Crisinel, Nicolas Bouvier et Gustave Roud, qu'une amitié profonde et fidèle liait à Philippe Jaccottet, et réciproquement. Leur correspondance, parue l'année dernière, en témoigne de façon magnifique.*

Alors qu'initialement cette réunion-bilan de poèmes ne devait avoir d'autre destinataire que lui-même, Philippe Jaccottet s'est laissé convaincre de la publier par l'éditeur Florian Rodari, lequel signe une admirable postface au volume. Sachons gré à l'ignorant de Grignan, fervent passeur des oeuvres d'autrui tant par ses critiques que pas ses innombrables traductions, de ce nouveau partage.

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