Travesti
Personne ne choisit un beau matin d'être poète pas plus que travesti.»
David Dumortier est poète, mystique et travesti. Lyrique en diable et salope au lit, entre plume, téléphone et cierge à la Vierge, «Sophia» module sa vie entre sexe solidaire et suave sainteté, cache-sexe et scapulaire. Tout commença violemment, un jour, à l'élevage familial. Le père pèse, cogne, voit son fils en charcutier puis finit par partir; la mère souffre, maltraitée puis délaissée. L'enfant, lui, se pare parmi les porcs et s'empare en rêve du corps des journaliers qui travaillent à la ferme. Interne au lycée, un temps serveur, il gagne Paris où il s'épanouit enfin dans l'art du travestisme. «Tout (son) corps appelle les hommes», un art que David reçoit de Michel que le HIV emportera, un art de fard et d'amour qu'il exerce au contact de corps intenses, ceux de Mourad, Ali, Adib, Karim. Livreur énamouré, conditionnel à la lourde hallebarde, étudiants, chauffeurs de bus, vigiles, ouvriers sans papiers, Français, Africains, Syriens. Valse de noms, ronde musclée pour passants violents ou attendris. Mais paradoxalement dans la plus totale liberté : «Je ne veux pas de propriétaire... je suis la poussière de la tourbe, un buisson qui s'habille d'un paquet d'air.» Par instants, l'aventure s'épice de drôlerie : David se fait écrivain public pour les amoureux de la Saint-Valentin, critique littéraire émirati, conférencier scolaire. D'avoir reçu en bouche tant de passants, langue affûtée et palais de soie, d'avoir tant prié au nom du Fils et parlé au bout du fil, d'«être allé à la déchéance», que reste-t-il à l'auteur de Travesti : la certitude extatique que «le sexe d'un pauvre est sacré» et que «si vous désirez vous venger du mal que l'on a pu vous faire, prostituez-vous». Dont acte.