Tombeau d'Achille
Il était votre héros, peut-être, parce qu'il était le plus grand des héros, le plus beau, le plus fort, le plus courageux ou le plus inflexible. Ou parce qu'il avait un ami, un vrai, à la vie à la mort. Il était votre héros, parce qu'il fut inconsolable et que sa mère caressa tendrement ses cheveux (vous aviez faim de cette caresse, et honte de cette faim, qui n'était pas virile).
Parce que, aussi, il faut bien l'avouer, il était de tempérament colérique et que vos caprices de gamin en étaient blasonnés d'or, ou que son orgueil était une qualité divine et non un vilain défaut.
Parce qu'il n'était pas chafouin comme Ulysse, pontifiant comme Nestor, stupide comme Agamemnon, lâche comme Pâris – et surtout pas cocufié comme Ménélas. Parce qu'il était pur, dans sa violence comme dans sa magnanimité, dans son chagrin comme dans sa joie triomphante.
Et il semblait qu'à le suivre vous étiez purifié, plongé au feu, comme lui-même le fut, enfant, par sa mère. Vous n'alliez jamais vieillir.
Vous n'alliez jamais vieillir. Vous vieillissez. »
Vincent Delecroix.