Pirouettes
Charles Fasquelle, un jour, à la campagne, eut l'imprudence de me confier les épreuves de Topaze... et je les perdis.
Il prétendit les retrouver. Il vint chez moi, il me fit asseoir dans un coin et il vida sur le parquet tous les tiroirs de mon bureau. Il ne trouva pas les épreuves, puisqu'elles étaient, comme nous l'apprîmes plus tard, au vestiaire d'un restaurant ; mais il découvrit le manuscrit de Pirouettes. Il l'emporta, le lut à son père et me proposa de l'éditer... Alors j'ai voulu refaire cette longue nouvelle, l'ai voulu l'étoffer, la compléter, la corriger, lui donner le poids d'un vrai roman. Et puis, dès les premières phrases, j'ai revu ce petit jeune homme que j'étais, l'habitant joyeux des hôtels meublés de la rue d'Orsel. Et il m'a semblé que je n'avais pas le droit de corriger son oeuvre.
Source : Pocket
Ce roman, qui s'appelait alors "LE MARIAGE DE PELUQUE" et qui est aujourd'hui "PIROUETTES", je l'ai composé au marbre de l'imprimerie, sur le papier rugueux qui sert à tirer les épreuves, et mon rêve, qui était d'avoir au moins trente pages d'avance, ne fut jamais réalisé..."
Écrit pour Fortunio (reparution 1920), revue "littéraire, artistique et théâtrale" de Marcel Pagnol et ses copains de khâgne, "PIROUETTES" narre les audacieuses aventures amoureuses de Louis-Irénée Peluque. Des années plus tard, Eugène Fasquelle, ami et éditeur de Pagnol, lui propose de publier "Pirouettes"...
(...)
"Alors, j'ai voulu refaire cette longue nouvelle, j'ai voulu l'étoffer, la compléter, la corriger, lui donner le poids d'un vrai roman. Alors, fourbissant ma meilleure plume, ayant rempli mon écritoire d'une encre indélébile, je tentai d'amender "PIROUETTES".
Et puis, dès les premières phrases, j'ai revu ce petit jeune homme que j'étais, l'habitant joyeux des hôtels meublés de la rue d'Orsel.
Et il m'a semblé que je n'avais pas le droit de corriger son œuvre, de couper l'un de ses chapitres, d'ajouter une page qu'il n'avait pas écrite. Il avait peut-être ses raisons, des raisons que je ne sais plus. Et je n'ai pas voulu toucher à ces pages posthumes."
Source : http://www.marcel-pagnol.com/biblio.php?id=15