Pas dormir
J’ai perdu le sommeil. Je me suis retournée sur mes pas et il ne me suivait plus. Il s’était détaché de moi, et j’errai sans lui dans la nuit. »
Marie Darrieussecq souffre d’insomnie depuis des années, comme beaucoup d’entre nous. Elle raconte dans ce livre l’aboutissement de vingt ans de voyage et de panique dans la littérature et dans les nuits. Vingt ans de recours désespérés et curieux, parfois très drôles, à toutes sortes de remèdes – pharmacopée, somnifères, barbituriques, méditation, exercice physique, tests, chamanisme, technologie, recettes et expédients divers… Mais ce livre est surtout hanté par une question magnifique : « Qui est-ce qui ne dort pas quand je ne dors pas ? »
Pas dormir est ainsi une autobiographie d’un genre nouveau : raconter « l’autre qui ne dort pas » et qui est aussi soi. Marie Darrieussecq mène évidemment l’enquête dans la littérature : « J’ouvre les livres et tous me parlent d’insomnie. Woolf ! Gide ! Pavese ! Plath ! Sontag ! Kafka ! Dostoïevski ! Darwich ! Murakami ! Césaire ! Borges ! U Tam’si ! Sur tous les continents, la littérature ne parle que de ça. Comme si écrire c’était ne pas dormir. »
Elle raconte ses voyages dans le monde entier, les chambres d’hôtel où le sommeil ne vient pas. Jusqu’au Rwanda, où la mémoire vive du génocide témoigne d’une autre insomnie : devant l’horreur. L’insomnie nous éveille à l’altérité du monde – présences effacées, fantômes, espèces vivantes en voie de disparition, mondes perdus : « D’autres êtres ont les yeux ouverts. D’autres yeux regardent. L’insomnie se nourrit de ce sentiment confus : il y a autre chose. »
De nombreuses photos et reproductions de documents accompagnent le récit.