Nous avons les mains rouges
Jean Meckert raconte la tragédie des mains rouges, rouges de sang. Dans la montagne, le chef d'un maquis, M. d'Essartaut, ses deux jeunes filles, le pasteur Bertod et quelques camarades continuent, deux ans après la Libération, une épuration qu'ils pensent juste. Ils s'attaquent aux profiteurs, aux trafiquants, aux joueurs du double jeu. Jusqu'à ce que la mort de M. d'Essartaut, survenue au cours d'une expédition punitive, disperse le petit groupe, ces êtres assoiffés de pureté et de justice sont amenés à pratiquer le terrorisme et à commettre des meurtres, tout en se demandant amèrement si le monde contre lequel ils ont combattu n'était pas d'essence plus noble qu'une odieuse démocratie où le mythe de la Liberté ne sert que les puissants, les habiles et les crapules. Passionnant document sur un moment d'histoire trouble et peu visité, ce roman est dans le même mouvement profondément humain.
" LE gardien à la triste moustache tendit le porteplume à Laurent et celui-ci donna sa signature sous les mots 'Lu et approuvé'. Ça sentait la poussière et le moisi, et puis aussi la soupe aux poireaux. Par une fenêtre le soleil entrait, plaquant l'ombre d'une grille sur le bureau du gardien-chef.
– T'es content de nous quitter ? demanda un homme à képi sale.
– Tu partes ! dit Laurent.
– Sacré 34 ! fit le gardien-chef dans sa moustache. Tiens, voilà tes affaires ! Pour ton pécule, tu passeras chez le percepteur avec ce papier. Compris ?
– Compris !
– Qu'est-ce que tu comptes faire, maintenant ?
– Respirer ! dit Laurent.
– Sacré 34 ! Bonne chance, mon gars !... Je ne te dis pas : au revoir, pas vrai !...