Libres et égaux... L'émancipation des juifs 1789
Rien, à dire vrai, ne me prédisposait à m'attacher à l'histoire, de l'émancipation des Juifs sous la Révolution. Jusqu'au jour où, suivant pas à pas Condorcet, je rencontrais une délégation de Juifs, conduite par maître Godard, venant demander en janvier 1790, à la Commune de Paris, de soutenir leur cause auprès de l'Assemblée nationale. Il y avait donc eu sous la Révolution, au sujet de la citoyenneté des Juifs, discussion, résistance et bataille politique.
Ces événements, si lourd de portée dans l'histoire des Juifs de France et d'Europe, a bien peu compté dans la Révolution. Car, l'émancipation, à la veille de 1789, si elle était presque acquise pour les Juifs do Sud-Ouest, n'était rien moins que certaine pour les autres.
La raison politique commandait de différer leur émancipation, ou du moins de l'accomplir progressivement en fonction de leur assimilation. Mais cette démarche prudente était inconciliable avec les principes des droits de l'homme que les Constituants avaient proclamés. Refuser aux Juifs le droit d'être des citoyens comme les autres, c'était leur dénier la qualité d'hommes comme les autres et renier la Révolution elle-même. Alors l'émancipation des Juifs apparaît en définitive comme la victoire de l'idéologie sur le pragmatisme, de la force des principes sur la force des choses.
Robert Badinter