Lettre ouverte aux vivants qui veulent le rester
Vous êtes vivants… Savez-vous bien ce que cela veut dire ?
Savez-vous, par exemple, que chaque cellule de votre corps contient, inscrits sur des molécules qui ressemblent à des rubans télégraphiques, les ordres concernant toutes ses fonctions, et toute votre hérédité depuis la nuit des temps ? Et que si on mettait bout à bout les « rubans » contenus dans les cellules d’un seul corps humain leur longueur couvrirait mille fois la distance de la Terre au soleil ?
Chaque détail d’un être vivant est un foisonnement de stupéfiants mystères. Et le plus grand de tous est la vie, dont nul ne sait ce qu’elle est. Or, la voici menacée de destruction. Par le nucléaire. Militaire. Et civil.
Un accident qui laisserait s’échapper le contenu d’une seule centrale à plutonium répandrait dans la nature de quoi tuer l’humanité toute entière… Et le plutonium répandu, que rien ne pourrait détruire, continuerait d’être mortel pendant plus de mille siècles.
Peut-on prétendre qu’il n’y aura jamais d’accident ?
Mais le pétrole va devenir rare et risque de manquer brutalement ç la suite d’un conflit. Pour le remplacer il n’y a rien d’autre de prêt que les centrales nucléaires. Sans elles, la fin du pétrole, c’est la fermeture des usines, le chômage total, la famine dans les villes et la guerre civile.
Pour décrire cette situation, Barjavel retrouve les accents de son roman prophétique « Ravage », écrit il y a 35 ans…
Sans le nucléaire, c’est le désastre, avec le nucléaire, c’est la catastrophe…
Barjavel propose de s’évader de cette alternative infernale par une troisième voie qui aurait, en plus, l’avantage de favoriser la transformation de notre civilisation en une forme nouvelle de société décentralisée, où l’homme retrouverait, avec la nature, un accord qu’il n’aurait jamais dû rompre.
L’objet de sa lettre ouverte est de nous rappeler, au-dessus des questions politiques et nationalistes, qu’il y a aujourd’hui quelque chose de plus important que de choisir de vivre de telle ou telle façon : c’est impérativement de choisir de vivre.
(Quatrième de couverture de l'édition Albin Michel de 1978)