Les Solitaires
Pas la peine de chercher Saint-Gabriel sur la carte. Il vous arrivera pourtant de vous perdre dans ses ruelles, derrière le port. Ce pourrait être Toulon, Marseille ou le vieux Nice... Une de ces villes devant la mer, où l'on cultive mieux qu'ailleurs les rêves - souvent les mauvais rêves. Il y a là tous ces gens qui passent et qu'on oublie. Il y a aussi ceux qui se sont fait une place au soleil, au besoin en suivant les chemins de l'ombre. Et puis il y a les autres. Les autres - trois d'entre eux font entendre ici leur voix -, ce sont les Solitaires. Ils ont l'air de ne pas faire grand-chose de leur vie, simplement parce que le drôle de monde qu'ils portent en eux se cache : les " rangés " ne comprendraient pas. Des êtres démarrés, si l'on veut, qui n'ont pas su ou pas voulu grandir, parce qu'à ce jeu si commun l'on perd trop. Il leur arrive de prêter la main aux affaires des grands : basses besognes de la politique, trafics divers, crime même. Ce sont nos frères, nos sœurs aux mains sales. Ils n'ont pas choisi de se retrouver du mauvais côté des choses. Ils ont compris qu'on ne gagnait rien à édulcorer la vie, sinon la perspective d'une horreur plus grande encore. Et ils savent que la dérive, ce mouvement qui fait bouger les cœurs et les mondes, est aussi à sa façon une fidèle alliée de la vie. Le roman noir n'est pas loin, que Belezi frôle comme du bout des doigts - visiblement en quête d'autres frissons.