Lélia T1 - Lélia
Introduction de la notice de l'édition Michel Lévy 1867
Après Indiana et Valentine, j’écrivis Lélia, sans suite, sans plan, à bâtons rompus, et avec l’intention, dans le principe, de l’écrire pour moi seule. Je n’avais aucun système, je n’appartenais à aucune école, je ne songeais presque pas au public ; je ne me faisais pas encore une idée nette de ce qu’est la publicité. Je ne croyais nullement qu’il pût m’appartenir d’impressionner ou d’influencer l’esprit des autres.
Était-ce modestie ? Je puis affirmer que oui, bien qu’il ne paraisse guère modeste de s’attribuer une vertu si rare. Mais comme, chez moi, ce n’était pas vertu, je dis la chose comme elle est. Ce n’était pas un effort de ma raison, un triomphe remporté sur la vanité naturelle à notre espèce, mais bien une insouciance du fait, une imprévoyance innée, une tendance à m’absorber dans une occupation de l’esprit, sans me souvenir qu’au delà du monde de mes rêves, il existait un monde de réalités sur lequel ma pensée, sereine ou sombre, pouvait avoir une action quelconque.
Je fus donc très-étonnée du retentissement de ce livre, des partisans et des antagonistes qu’il me créa. Je n’ai point à dire ce que je pense moi-même du fonds de l’ouvrage : je l’ai dit dans la préface de la deuxième édition, et je n’ai pas varié d’opinion depuis cette époque.