Le Poète et le roi
Tout est grand dans le Grand Siècle, la France, son roi, son Eglise, ses armées, ses arts. Et pourtant, de toutes les voix qui nous parviennent de cette époque imposante, la plus modeste, la plus retenue, est aussi la seule qui n'a jamais cessé d'émouvoir, au point de se fondre dans le folklore de l'enfance et les lieux communs de notre langue : c'est celle de Jean de La Fontaine dans ses Fables. Payant le prix d'avoir ému tout un peuple depuis trois siècles, La Fontaine et le reste de son oeuvre sont demeurés dans l'ombre. En dépit de ses biographes, la légende du poète a fait de lui un bonhomme , presque aussi anonyme que la tradition orale dont il est la source. Et les Fables elles-mêmes, émiettées par la mémoire collective en maximes et proverbes, ont perdu les saveurs et le sens que leur auteur leur avait donnés, au confluent d'une oeuvre diverse, singulière et énigmatique, difficile à raccorder à ces beaux lieux communs, familiers à tout le monde. Dans Le Poète et le Roi, Marc Fumaroli rend justice au poète caché derrière l'homme des biographes et le bonhomme de la légende. Il montre comment se sont formés lentement son génie et son langage, et comment ils ont mûri, aux prises avec la double et cruelle expérience de la Renaissance française qui finit, et du monde moderne qui commence, sous la forme rétrospectivement éblouissante de la monarchie absolue de Louis XIV. Avec les yeux et les sentiments d'un poète-philosophe, nourri de Platon et de Montaigne, ami de Molière et de Racine, Marc Fumaroli nous fait revisiter le Paris de la Fronde, de l'Affaire Foucquet, du règne de Louis le Grand, il nous fait revivre le drame politique et humain dans lequel ont surgi le premier monstre froid moderne et la première tentative lyrique de s'en affranchir.