La pupille

Frances Trollope

La pupille
306 pages
Popularité
Popularité du livre : faible
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Le 28 novembre 1835, à six heures un quart, M. Thorpe, de Thorpe-Combe, Herefordshire, se tenait assis devant un grand feu de bois. Il avait à portée de la main les fagots d’environ trois arbres, empilés les uns sur les autres, et à côté de lui une petite table, ronde, sur laquelle il y avait une tasse à café et deux flambeaux. Tout à coup il tira avec une extrême violence le cordon de sonnette qui pendait le long de la cheminée. Il attendit à peu près les trois quarts d’une minute, les yeux fixés sur la porte, sans lâcher le cordon ; puis, voyant que personne ne venait, il tira de nouveau le gland de soie avec une énergie qui n’était pas exempte d’impatience. Ce second appel produisit un effet instantané, car la sonnette résonnait encore que la femme de charge était déjà devant son maître.

« Vous serez un jour punie de votre négligence, mistress Barnes, vous pouvez y compter, dit le vieux gentilhomme. Aussi vrai que je vous vois, vous serez obligée de faire appeler un coroner pour faire une enquête lorsqu’on m’aura trouvé mort ; car il arrive toujours des accidents aux pauvres vieillards malades comme je le suis, et qui ne peuvent obtenir qu’on vienne quand ils sonnent.

— Je pense, monsieur, que vous devriez prendre quelqu’un de plus jeune et plus actif que moi pour répondre à votre sonnette, répliqua mistress Barnes avec une feinte modestie ; car je sais que je ne suis plus aussi vive qu’autrefois. D’ailleurs, si vous vouliez avoir un valet de chambre, ainsi que les autres gentlemen du voisinage, il serait facile d’en trouver un qui courrait plus vite que moi.

— Vous dites cela pour me contrarier, mistress Barnes, et parce que vous savez que je n’aime pas les valets. Mais on m’a habitué à tout supporter ici ; ne parlons donc plus de cela et veuillez m’écouter. Vous savez que je n’aime pas à répéter ce que je dis, ajouta-t-il ; prêtez-moi donc votre attention. Je vais engager une grande société à venir passer ici les fêtes de Noël. Avez-vous entendu ce que je vous ai dit ? continua le vieux gentilhomme en remarquant que la femme de charge le regardait avec anxiété.

— J’ai peur que vous ne soyez malade, monsieur, dit-elle enfin en s’approchant avec sollicitude ; laissez-moi envoyer chercher M. Patterson pour qu’il vous tâte le pouls.

— Vous êtes folle, Barnes, et je le suis autant que vous, moi qui vous garde après m’être convaincu que vous ne valez guère mieux qu’une idiote. Enfin, comme je ne puis vous remplacer en ce moment, je vous prie de réunir le peu d’intelligence qui vous reste afin d’écouter les ordres que je vais vous donner, et cela sans vous figurer que j’ai le délire… si c’est possible.

— Je vous demande pardon, monsieur, mais il faut que j’aie mal entendu ou que je me sois trompée.

— En ce cas, tâchez de mieux me comprendre dorénavant. Asseyez-vous, ma vieille amie. Je n’ai pas le délire, ma pauvre Barnes, et cependant il faut que ma maison soit remplie de visites à Noël. Asseyez-vous et causons.

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