Entre 1981 et 1986, le système politique français a implosé. Le communisme a cessé d'être une force importante ; une extrême-droite est apparue ; le Parti socialiste a changé de nature ; la droite aussi. En cinq ans furent ainsi balayées des structures idéologiques dont l'émergence et la stabilisation avaient demandé des siècles, des doctrines ancrées dans des traditions religieuses, familiales, économiques, régionales qui paraissaient immuables. Cette réorganisation politique brutale est l'effet d'une transformation sociale profonde. La plupart des Français sont conscients d'une accélération du changement technologique et économique depuis le milieu des années soixante-dix, véritable contre-révolution industrielle, qui débouche sur une liquidation, physique et morale, de la classe ouvrière. Mais la révolution culturelle des années 1965-1980, effet du développement de l'éducation secondaire, liée à la prolifération des classes moyennes salariées, est antérieure de dix ans à la crise économique. Elle se manifeste de façon spectaculaire dans le domaine sexuel et démographique, par une chute du taux de natalité, une augmentation d'une nombre des naissances hors mariage, une indifférence croissante à la moralité conventionnelle. Cette crise culturelle a détruit le catholicisme dans les régions de France qu'il contrôlait encore vers 1965.

Ce bouleversement de la société française, par son ampleur et sa rapidité, est sans précédent dans l'histoire. Il correspond à un véritable séisme statistique dont Emmanuel Todd mesure ici les

effets en s'appuyant sur des données indiscutables : celles du recensement de 1982.

Source : Points, Seuil