La mémoire vaine
Contre l'oubli de ce qui fut, il est toujours possible de faire appel, et de réveiller la mémoire.
Contre une mémoire qui, au lieu d'acquitter notre dette envers les morts, met le passé à la disposition des vivants, leur sert de supplément d'âme, flatte leur bonne conscience, conforte leurs certitudes idéologiques, entretient l'époque dans son mélange si caractéristique de cynisme et de sentimentalité, contre une telle mémoire, il n'y a plus aucun recours. Avec le procès de Klaus Barbie, la mémoire des survivants a bien retardé le moment où les victimes du nazisme, de réelles, deviendront historiques.
Mais si c'était pour les livrer à l'actualité futile ou pour redonner vigueur et légitimité à une représentation de l'Homme que récuse précisément la vertigineuse notion de crime contre l'humanité, alors à quoi bon ? La mémoire a certes triomphé de l'oubli, mais c'est une mémoire vaine. A.F.