La désincarnation
On connaît l'histoire : trois jours durant, le jeune Flaubert fit une lecture passionnée de La Tentation de saint Antoine à ses deux mentors en littérature, lesquels lui conseillèrent de la jeter au feu et de se garder de trop de lyrisme : la Bovary naissait. Mais en a-t-on bien apprécié l'enjeu ? Selon Jean Rouaud, il est capital : "Car sans Flaubert la littérature contemporaine ne serait pas ce qu'elle est. Et peut-être du coup le monde, car l'invention du réalisme objectif, c'est déjà un embryon d'idéologie." Son essai est à la mesure de cet enjeu, qui dépasse de loin l'histoire des lettres françaises – quel écrivain ne s'est pas posé la question Flaubert ? Rouaud, lui, n'hésite pas à convoquer Le Virginien, Bonanza, Dallas, Dynastie et le corps du Christ pour sonder les ressorts de la représentation. Il lui importe de savoir quel maître servait Molière lors même que le roman périclitait avec l'idéal aristocratique ; quel fut le poids de la prose de maître Jourdain ; pourquoi Stendhal se vit interdire de théâtre ? La vitalité du texte, qui procède par rebonds, le sans-gêne assumé à l'égard du panthéon littéraire national garantissent le propos de tout académisme. --Bertrand Gosselin
Autre quatrième de couverture:
C'est sur le principe de la comptine «Y'en a marre, marabout, bout de ficelle...» que ce livre est construit. De détours imprévisibles en digressions malicieuses, Jean Rouaud explore les secrets de la création littéraire. Les héros ? Flaubert et Louis Bouilhet, Balzac et surtout la littérature. Le conflit entre réalisme et lyrisme, c'est la question de la guerre secrète qui oppose depuis toujours, et sans doute pour longtemps encore, la loi d'airain du réalisme aux «mouvements, désordonnements, éperduments de style», au lyrisme que Flaubert aime tant évoquer, où Jean Rouaud lui aussi se retrouve, subtil lecteur, audacieux écrivain.