La Muette
Drancy, 1943 : Elsa est internée au camp de La Muette, où elle découvre un système cruel et bien organisé avant la déportation. De nos jours : La Muette est une cité HLM où Nour mène, comme tant d’autres, une vie entre exclusion sociale et petite délinquance. Un roman à deux voix.
Elsa parle la langue d’une vieille dame éduquée, Nour le verlan des cailleras. Tous deux connaissent bien La Muette. La malédiction qui frappe ceux qui y vivent ou qui y ont séjourné. Sa cour de prison, ses escaliers géométriques, ses cloisons fines comme du carton. Interrogés l’un comme l’autre, Elsa par un historien qui recueille des témoignages sur le camp, attablée dans son salon, Nour par un inspecteur de police lors de sa garde à vue, ils se font les témoins d’une cité qui n’a fait, au cours du siècle écoulé, qu’accueillir le ban de la France, ceux que l’on ne voulait pas voir. La misère a changé de forme et de voix, mais elle demeure en ces murs de béton. Pour elle, c’était les punaises de lit, les humiliations, la difficulté de survivre, les convois que l’on regarde partir avec un soulagement coupable, parce que l’on n’en est pas, la barbarie avec laquelle il faut apprendre à vivre pour ne pas en mourir. Pour lui, c’est sa mère qui récure chez les riches, c’est Samantha accro à la dope, c’est son presque-frère Jamie tué d’une balle pour un mauvais plan. D’un monologue à l’autre, les souvenirs se répondent, les imaginaires et les registres de langue aussi, ceux d’hier et d’aujourd’hui, et l’on entend finalement, au croisement de ces deux histoires, parler La Muette.