L'oeillet rouge

Elio Vittorini

L'oeillet rouge
Popularité
Popularité du livre : faible
Notes
Note globale
★★★★★
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4.31
Note personnelle
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L'Œillet rouge

Trad. de l'italien par Michel Arnaud

Collection Du monde entier, Gallimard

Parution : 02-06-1950

Ce livre a une histoire. Vittorini était âgé de vingt-quatre ans lorsqu'il commença, en 1933, de l'écrire et il en avait à peine rédigé la moitié que la revue Solaria, de Florence, en entreprenait la publication. Le troisième feuilleton ayant provoqué la saisie de la revue, les suivants ne purent paraître que profondément mutilés par la censure préalable. La publication en revue achevée, Vittorini réécrivit toutes les parties du roman altérées par la censure, en vue de l'édition du roman en volume. Travail de révision double, car, s'il visait à restituer au livre le langage et le ton qui lui étaient propres, il tenait compte aussi, bien entendu, des interdits manifestés par la censure. C'est ce troisième état du manuscrit qui fut soumis à l'examen des autorités de Rome. Des années passèrent, et Vittorini venait d'écrire son œuvre majeure, Conversation en Sicile, et ne se souciait plus de L'œillet rouge, lorsque, en 1938, le manuscrit lui revint

accompagné d'une interdiction définitive. II ne devait finalement paraître en volume dans cette troisième version, que l'auteur, alors âgé de quarante ans, se refusa à juste titre à retoucher encore une fois, qu'en 1948. Vittorini le faisait suivre d'une longue postface qui nous livre, outre l'histoire et la critique de ce livre, son art poétique personnel.

Si l'auteur se montre, dans cette postface, relativement sévère pour ce roman de jeunesse, c'est sans doute qu'il pense avoir trouvé avec la prose lyrique et les incantations de Conversation en Sicile son style définitif. L'œillet rouge, à son jugement, ne serait pas un «vrai livre», mais plutôt un «document» et précisément un document sur «l'attirance qu'un mouvement fasciste peut exercer [...] sur les jeunes». Le lecteur d'aujourd'hui peut à l'inverse y trouver, sous la surcharge des différentes techniques d'écriture mises en œuvre (où d'ailleurs se rencontre déjà celle qui régnera sur Conversation), à travers l'exubérance juvénile des épisodes, une passionnante éducation sentimentale et politique, qui tient à la fois du roman d'aventures et du roman de formation (et même du conte initiatique : voir la rencontre du jeune héros avec la «femme de mauvaise vie» Zobeida dans la maison de tolérance). Il s'agit en vérité de l'un de ces livres rares et précieux que certains grands écrivains n'auront pu écrire que dans leur jeune âge, au moment où le génie impersonnel de la jeunesse les guide encore autant ou plus que ce qui était voué à se dégager plus tard en eux comme leur génie propre.

Livres de l'auteur : Elio Vittorini